Politique

Argentine : Un nouveau ministre de l'Economie nommé pour remplacer l'artisan de l'accord sur la dette.

Argentine : Un nouveau ministre de l'Economie nommé  pour remplacer l'artisan de l'accord sur la dette.

Silvina Batakis, une économiste de 53 ans, a été nommée dimanche, ministre de l'économie, après la démission de Martin Guzman. Un signal probable de l'influence croissante du courant péroniste (gauche) dans le cap économique argentin.


Le président Alberto Fernandez (centre-gauche) a désigné Silvina Batakis, "une économiste renommée" qui a été ministre de l'Économie dans la province de Buenos Aires entre 2011 et 2015, a annoncé dans la soirée la porte-parole de la présidence sur son compte Twitter.

Le chef de l'Etat avait mené, toute la journée de dimanche, des consultations pour trouver un remplaçant à Martin Guzman, grand artisan de l'accord en mars sur la restructuration de la dette argentine avec le Fonds Monétaire International (FMI).

Guzman était salué pour avoir évité à l'Argentine, 3e économie d'Amérique latine, un défaut de paiement sur une dette record de près de 45 milliards de dollars envers le FMI, héritage d'un prêt contracté en 2018 par le précédent gouvernement du libéral Mauricio Macri.

Cependant, cet allié d'un retour en douceur à l'équilibre budgétaire chargé de "tranquiliser" l'économie, était régulièrement mis en cause par l'aile gauche de la coalition "Frente de Todos", la frange péroniste incarnée par l'influente et populaire Cristina Kirchner, vice-présidente du pays (et cheffe de l'État de 2007 à 2015). Elle réclame avec insistance un virage social, moins de déférence pour les grands équilibres macro-économiques, dans un pays qui compte 37% de pauvres.

Silvina Batakis était, dans l'importante province de Buenos Aires (15 millions d'habitants), la ministre de l'Economie du gouverneur et Daniel Scioli, un ex vice-président du chef de l'Etat Nestor Kirchner, et donc proche de son épouse Cristina.

La nomination de Batakis apparait don comme un signal de poids croissant du camp kirchnériste dans la coalition de centre-gauche au pouvoir à Buenos Aires, à un an et demi des élections présidentielles. Ces dernières années, Silvina Batakis était, au ministère de l'Intérieur, secrétaire chargée des provinces, en charge notamment de la délicate articulation de politiques publiques entre État et provinces.

Pour rappel, l'Argentine est un État fédéral, en matière d'allocation de ressources et de sécurité. Daniel Scioli, un autre kirchnériste qui a depuis quelques temps rejoint le gouvernement, au ministère du Développement productif, a apprécié en elle "une personne d'une grande qualité humaine et d'une formation professionnelle approfondie. Une travailleuse infatigable avec un grand sens des responsabilités et une expérience remarquable".

La pauvreté "se combat avec un État qui planifie et intervient, et avec une société qui l'impose comme finalité sociale", montre l'affiche d'accueil du compte Twitter de Batakis, qui met clairement en avant la fibre sociale de la nouvelle ministre, diplomée des finances publiques et d'économie de l'Environnement. Et, incidemment passionnée de football, de Boca Juniors.

Changement de cap macro-économique ? La réaction des marchés lundi devait être évidemment scrutée, comme le taux de change de la rue du dollar contre le peso (239 pour 1 dollar, contre 130 au taux officiel). Le peso s'est sans cesse fragilisé depuis un an, malgré l'accord avec le FMI, et la croissance post-Covid retrouvée (+10,3% en 2021).

Une question porte aussi sur son attitude vis-à-vis du FMI, pour qui "Guzman était un moindre mal", selon l'analyste politique de Carlos Fara. Pourtant, Cristina Kirchner n'a jamais caché sa réticence pour un accord sur la dette. Or si la ministre change, les termes de l'accord sur la dette, ils demeurent l'équilibre budgétaire à l'horizon 2025 (contre un déficit de 3% du PIB en 2021), et la réduction de subventions.

Silvina Batakis sera également très vite attendu, dès l'indice de juin dans 15 jours, confrontée à l'inflation têtue qui a eu raison de son prédecesseur : 29,3% depuis le début de l'année, 60,7% sur les douze derniers mois.

Un des premiers engagements de la nouvelle ministre pourrait être une réunion avec les créanciers du Club de Paris, une autre dette que Martin Guzman était parvenu à renégocier, dont la rencontre était cette semaine à l'agenda du ministre sortant.

Rosine MANGA