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Guerre en Ukraine : l’Afrique va t-elle en tirer profit ?

Guerre en Ukraine : l’Afrique va t-elle en tirer profit ?

La nuit du 23 au 24 février 2022 a marqué le déclenchement de la guerre entre la Russie et l’Ukraine, dont le théâtre des opérations militaires s’étale sur le territoire ukrainien.


Ce conflit armé, qualifié d’international, du point de vue du droit international humanitaire, n’a pas laissé indifférent les autres puissances mondiales notamment, celle de l’Union Européenne et des États Unis d’Amérique, contraints de mettre en œuvre, un ensemble de mesures de divers ordres à l’encontre de la Russie et dans le but de rétablir la paix à la fois dans la situation mise en cause et dans le monde par effet d’engrenage, conformément aux principes structurant l’ordre des nations unies.

Par ailleurs, force est de constater que le conflit Russo-Ukrainien qui survient dans un contexte global marqué par l’austérité générée par la pandémie du COVID-19, recèle d’emblée des conséquences négatives qui s’étendent au-delà des deux pays en guerre, pour toucher des parties plus ou moins lointaines du globe parmi lesquelles l’Afrique. Au regard de l’implication des partenaires de cette dernière dans la résolution du conflit.

À cet effet, depuis le déclenchement de cette guerre, plusieurs problématiques se sont soulevées dans l’esprit de certains observateurs africains de la scène internationale , parmi lesquels, on peut se poser la question de savoir, si l’Afrique pourrait en tirer profit de cette situation conflictuelle.

La réponse à cette question relèverait aux premiers abords de l’ordre de l’évidence dans la mesure où, la question en elle-même porterait déjà ses propres éléments de clarification.

En tout état de cause, la sémantique employée dans la formulation de cette question, soulève déjà une piste de solution, quoique ambiguë, au regard de l’emploi du terme « profit » à côté du terme « guerre ». L’on pourrait donc se demander à ce niveau, quel profit peut-on tirer de la guerre ?

La réponse à cette question est d’autant plus ambivalente que la réponse à la première question dont elle est issue. Une ambivalence qui traduirait aux premières perceptions une incongruité, dans la mesure où l’on peut se demander, qui peut bien tirer profit de la souffrance et du malheur des autres ?

En effet, l’histoire nous a montré que la guerre est une situation de nature à générer le chaos. Pour s’en convaincre, le bilan négatif des deux guerres mondiales en est une illustration majeure. La guerre en Ukraine ne serait donc pas en reste dans la mesure où, depuis sa genèse, les incidences négatives qui en découlent sont palpables. Parler même d’une potentielle positivité ici, serait davantage ambiguë. Mais dans tous les cas, au-delà de la semantique mobilisée dans la formulation de cette question, l’analyse d’un potentiel profit que l’Afrique pourrait en tirer, mérite de sortir des sentiers battus de l’évidence terminologique, pour être appréhendée de manière substantielle. Il en est ainsi d’un point de vue économique, quand on sait que le secteur économique représente la poutre fondamentale sur laquelle repose le devenir des États africains en quête d’émergence aujourd’hui.

Dans le cas d’espèce, d’aucuns entreverraient « une perturbation de l’offre globale de certains produits énergétiques et agricoles avec des conséquences notables sur les places financières internationales. Ce nouveau choc pourrait générer une hausse inhabituelle de l’inflation mondiale qui se répercutera sur l’inflation domestique » notamment dans les pays africains.

Ce constat alarmant entre en résonance avec l’activité économique camerounaise en l’occurrence, laquelle est traversée aujourd’hui par une hausse généralisée des prix des produits de grande consommation dont les origines seraient rattachables aux perturbations générées par la crise sécuritaire en Ukraine. Une situation qui serait similaire dans toutes les régions d’Afrique, dans la mesure où les principaux partenaires commerciaux des pays africains seraient les pays d’Europe occidentale, lesquels sont impliqués dans la résolution du conflit.

De la sorte, il serait fallacieux de parler de profit dans le court terme sur le plan économique pour l’Afrique au regard des incidences négatives que le conflit en Ukraine génère. D’autant plus que l’issue de la guerre échappe à toute prévision rationnelle des pouvoirs publics et des particuliers, compte tenu notamment du récent investissement des États Unis, dans l’équipement de l’armée ukrainienne, qui pourrait laisser croire que la situation s’étendrait davantage en maintenant son lot de conséquences négatives sur les économies africaines.

la guerre en Ukraine ne saurait donc de prime abord constituer une aubaine pour les pays africains, dans la mesure où ces derniers, pour la plus part, disposent des économies extraverties, c’est à dire tournées vers l’extérieur.

Du reste, au-delà des faits et des incidences négatives directes que le conflit en Ukraine a déjà généré dans le court terme, il serait peut-être convenable, si ce n’est déjà le cas, pour les pouvoirs publics africains de trouver des mécanismes dans le long terme, pour juguler ces pesanteurs issues du conflit sur leurs économies.

Dans cette perspective, la mise en œuvre des politiques publiques promouvant les produits locaux pourrait être un moyen, si ce n’est le moyen, pour des pays africains, de résorber la quasi-dépendance de leurs économies vers l’extérieur, un « extérieur » désormais impliqué dans un conflit à l’issue brumeuse. C’est sans doute ce que les pouvoirs publics camerounais voulaient mettre en œuvre à travers la politique de « l’import-substitution » inscrite dans la Stratégie Nationale de développement 2020-2030, qui promeut la production et la consommation des produits locaux. Il serait donc judicieux pour les politiques d’intensifier les mesures dans ce sens à l’effet de juguler l’escalade de l’austérité qui pourrait résulter dans le long terme, du conflit entre la Russie et l’Ukraine et continuer à impulser, au profit des réalités endogènes, la dynamique de l’émergence déjà enclenchée.

Bera Cruz