Un remaniement militaire au sommet de l’État
Le 16 mai 2025, à la veille des pourparlers de paix cruciaux à Istanbul entre la Russie et l’Ukraine, Vladimir Poutine a pris une décision spectaculaire : le limogeage du général Alexeï Sviridov, chef des forces terrestres russes. Un décret présidentiel laconique, publié dans la soirée, a officialisé la mise à l’écart de ce haut gradé, remplacé par le général Viktor Ivanov, réputé proche du ministre de la Défense Sergueï Choïgou.
Ce remaniement intervient dans un contexte de pression extrême sur le Kremlin. Après plus de trois ans de guerre en Ukraine, l’armée russe fait face à une usure considérable, des pertes humaines importantes et une contestation croissante de la stratégie militaire au sein même de l’appareil d’État.
Les raisons d’un limogeage
Selon plusieurs sources concordantes, la décision de Poutine s’explique par une série de revers sur le front sud, où les forces ukrainiennes, soutenues par l’OTAN, ont repris plusieurs localités stratégiques. Le général Sviridov, en poste depuis 2022, était critiqué pour sa gestion jugée trop rigide et son incapacité à adapter la doctrine russe à la guerre de haute intensité et aux nouvelles technologies de combat.
Des fuites dans la presse russe évoquent également des tensions internes, des rivalités entre les différentes branches de l’armée et une défiance croissante du Kremlin vis-à-vis de son état-major. Pour Poutine, il s’agissait d’envoyer un signal de fermeté à la veille de négociations diplomatiques décisives, tout en rassurant les « faucons » du régime qui réclament une ligne plus dure.
Un Kremlin sous pression
Le limogeage du chef des forces terrestres n’est pas un acte isolé. Depuis plusieurs mois, Vladimir Poutine procède à un renouvellement accéléré de l’encadrement militaire : plusieurs généraux ont été relevés de leurs fonctions, des officiers de terrain promus, et la chaîne de commandement resserrée autour du ministre Choïgou et du cercle rapproché du président.
Cette stratégie vise à reprendre le contrôle d’une armée fragilisée par les pertes, la démotivation des troupes et les critiques internes. Les réseaux sociaux russes bruissent de témoignages de soldats dénonçant le manque de moyens, la vétusté des équipements et l’absence de perspective de victoire rapide.

Les enjeux des pourparlers d’Istanbul
Ce remaniement intervient à un moment clé. Les pourparlers d’Istanbul, organisés sous l’égide de la Turquie et de l’ONU, représentent la première tentative sérieuse de dialogue direct entre Moscou et Kiev depuis plus d’un an. L’issue de ces discussions pourrait déterminer l’avenir du conflit : cessez-le-feu, retrait progressif des troupes, garanties de sécurité pour l’Ukraine, levée partielle des sanctions contre la Russie.
Pour Poutine, il s’agit de montrer à la fois sa capacité à faire évoluer la stratégie militaire et sa volonté d’apparaître comme un interlocuteur crédible sur la scène internationale. Mais la marge de manœuvre est étroite : une concession trop importante serait perçue comme un aveu de faiblesse, tandis qu’un durcissement excessif pourrait isoler encore davantage la Russie.
Les réactions internationales
La décision de limoger le chef des forces terrestres a été scrutée de près par les chancelleries occidentales. Pour les États-Unis et l’Union européenne, elle traduit la fébrilité du pouvoir russe et la difficulté à maintenir la cohésion de l’appareil militaire. Certains analystes y voient un signe d’ouverture à la négociation, d’autres un simple jeu de chaises musicales destiné à gagner du temps.
En Ukraine, le président Volodymyr Zelensky a salué « un signe de désorganisation au sommet de l’État russe », tout en appelant à la prudence. Les experts militaires rappellent que la Russie dispose encore de ressources considérables, tant humaines que matérielles, et que le conflit pourrait s’enliser si aucun accord n’est trouvé.
Les conséquences pour la société russe
Le limogeage du général Sviridov intervient alors que la société russe montre des signes de lassitude face à la guerre. Les pertes humaines, l’impact des sanctions économiques et la mobilisation partielle décrétée en 2024 ont fragilisé le contrat social entre le Kremlin et la population. Les manifestations, bien que réprimées, se multiplient dans les grandes villes, et de plus en plus de jeunes cherchent à quitter le pays.
Le pouvoir mise sur un discours nationaliste et sur la promesse d’une victoire prochaine pour maintenir la cohésion, mais la réalité du front et la dureté du quotidien rendent la tâche difficile.
Conclusion : un tournant ou une fuite en avant ?
Le limogeage du chef des forces terrestres russes, à la veille de négociations cruciales, marque un tournant dans la gestion du conflit ukrainien. Reste à savoir s’il s’agit d’une réelle volonté de changement stratégique ou d’une fuite en avant d’un pouvoir fragilisé. Les prochains jours seront décisifs pour l’avenir de la Russie, de l’Ukraine et de la sécurité en Europe.